À propos du « millefeuille » territorial
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À propos du « millefeuille » territorial
Il y aurait donc un « millefeuille » territorial, rendant l’administration nationale beaucoup trop compliquée et surtout, bien trop coûteuse. En urgence, il faudrait la « simplifier » ! C’est-à-dire que notre détesté gouvernement, agissant pour les intérêts du capital dominant, se propose de supprimer certains échelons administratifs et d’en promouvoir d’autres. Ce serait un choix « technique » en quelque sorte, de simple bon sens… Eh bien, pas si sûr !
En effet, de quels niveaux administratifs aurions-nous besoin si, rêvons un peu, le pouvoir de décision n’était pas entre les mains de ces pantins du capital, mais dans celles, fermement serrées, d’un peuple maître de son destin ?
Il faudrait un niveau local, les communes, où les habitants organisés autour de leur maire prendraient les décisions répondant à toutes les questions d’intérêt local s’appliquant sur leur territoire. Par exemple, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, l’organisation de l’activité économique, et bien d’autres choses. Et rien n’empêcherait des communes voisines de se mettre d’accord sur des questions d’intérêt commun, comme les transports publics locaux. Nous aurions alors affaire à des communes de compétence générale.
Il faudrait aussi un niveau national, l’État, où la population organisée autour d’un gouvernement prendrait les décisions répondant à toutes les questions d’intérêt national. Par exemple sur des questions comme l’énergie (comment la produire ? Comment la distribuer ? Etc.), les transports, la production alimentaire, l’industrie lourde, la poste et les téléphones, fixe et mobile, la gestion d’internet, la gestion des arsenaux, l’armée et la gendarmerie, les relations avec les autres États, etc.
Sans doute faudra-t-il un échelon intermédiaire pour raccourcir la distance entre l’État et les communes. Un représentant de l’État agissant, par exemple, avec quelques milliers de communes, et qui aurait pour fonction de vérifier que les orientations de l’État sont bien mises en œuvre tout en faisant remonter les difficultés locales afin de rectifier, le cas échéant, les mesures prises part l’échelon supérieur.
Ces trois niveaux administratifs semblent bien suffisants. Remarquons que, grosso modo, c’était l’organisation administrative depuis la Révolution Française : des communes de compétence générale, des préfets dans les départements et un État central.
Mais depuis la Libération, avec une nette accélération dans la décennie 70/80, sont venues s’ajouter des strates supplémentaires qui n’ont rien d’innocentes.
La première cible fut la commune. C’était déjà la terreur de l’Ancien Régime, et c’est devenu celle du capital : comment tolérer une population localement organisée autour de ses propres intérêts ? La suppression des communes s’avérant difficile du fait de l’attachement que lui porte la population et étant donné que les tentatives de regroupements n’ont pas non plus été acceptées, il a fallu supprimer leurs moyens d’actions en les privant de leurs compétences pour les faire exercer par des niveaux administratifs supra communaux : communautés de communes, syndicats de communes, communautés urbaines, etc. Le motif invoqué : nombre de communes sont trop petites pour exercer certaines responsabilités. Mais le plus bizarre est que ce sont les plus grosses communes qui ont été le plus durement frappées : non seulement on les a obligées à se constituer en communautés urbaines, mais on a inventé aussi un échelon de « quartier » !
Quelle différence y a-t-il entre une commune et une communauté urbaine ? Elle est essentielle : l’administration de la commune est compréhensible… et donc critiquable ; le maire est bien connu des habitants et ses réalisations sont bien visibles. Par contre, l’administration d’une communauté urbaine est tout à fait opaque ; son président est mal connu et donc difficilement accessible, et ses réalisations sont vues comme des actes de sociétés privées.
À Lille, le nouveau président de la communauté urbaine est par exemple un parfait inconnu. Maire d’une commune de 500 habitants, il a été élu suite à des manœuvres de couloir incompréhensibles. Et leurs auteurs se désolent maintenant de ce que l’abstention progresse…
Mais la commune n’est pas la seule cible. Les départements ont eux aussi leurs détracteurs… Ce sont les conseils généraux, venant en doublure des préfectures et avec des compétences vampirisées aux communes et à l’État (aides sociales et routes).
Mais la grosse entité à abattre reste l’État lui-même. L’Union Européenne a été justement inventée pour jouer contre l’État le même rôle que les communautés urbaines contre les communes : éloigner des yeux et des oreilles du peuple les décisions les plus indignes pour en rendre la critique inaccessible. Mais pour l’État, une autre strate fut encore inventée : les soi-disant régions.
Dotées d’une prétendue compétence économique, elles ont deux fonctions : d’abord dépouiller l’État de toute initiative économique, et ensuite d’organiser la concurrence entre les ouvriers de France. En effet, il paraît que les régions, toutes plus dynamiques les unes que les autres, créent plein d’emplois. Mais alors comment expliquer que le chômage progresse ? Facile : les emplois créés ici sont détruits là-bas ! Ce sont les fameux « pôles de compétitivité ». Ce n’est pas ça « organiser la concurrence » ?
Mais revenons à l’État. Il est attaqué sur trois fronts. Le premier, c’est l’Union Européenne qui lui a déjà piqué sa compétence législative (les trois-quarts des lois votées par le parlement ne sont que la mise en forme de lois européennes – et pour le quatrième quart, on va en reparler !). Mais le parlement a aussi perdu sa compétence budgétaire, puisque le budget de l’État doit être validé par la commission européenne. De même, l’essentiel de la réglementation est européenne : ses fonctionnaires publient chaque année des dizaines de milliers de pages de textes réglementaires sur tout et n’importe quoi. Au point que même les juristes professionnels s’y perdent ! Mais la presse nous explique que ce qui est bien trop compliqué, c’est le code du travail… qu’il faudrait simplifier en urgence !
Le deuxième front auquel fait face l’État… c’est l’État lui-même. Il prend à cœur de s’autodétruire ! C’est justement le dernier quart des lois votées : démantèlement à tous les étages ! Cela a commencé par les soi-disant privatisations, qui, outre d’offrir au capital ses propres entreprises, privent l’État de toutes facultés d’intervention dans les domaines stratégiques que sont l’énergie, les transports, les télécommunications, l’armement, la poste, etc.
Enfin les régions comme on l’a vu plus haut, mènent l’attaque sur le troisième front en dépossédant l’État des prérogatives qu’il avait en matière d’aménagement du territoire et autres activités économiques (implantations d’usines, etc.).
La situation est donc que, outre les communes, les préfectures et l’État (niveau administratif suffisant), le capital, par le biais de nos élus (mais sans l’avis des citoyens !), a créé l’Union européenne, les régions, les conseils généraux, les communautés de commune et autres communauté urbaines et même les quartiers pour les grandes villes. Soit huit niveaux administratifs !
Et ceux-là mêmes qui ont inventé tout ça nous expliquent maintenant, la main sur le cœur, « que c’est beaucoup trop, qu’il faut simplifier ». Et donc digérer ce foutu millefeuille ! Et devinez ce qui, pour ce gens-là, est de trop ? Les communes, le département et l’État, c’est-à- dire une organisation administrative qui pourrait être utile à l’organisation du peuple. Au lieu de ça, on nous vante les communautés urbaines, les régions et l’Europe. Bref, tout ce qui est utile à l’organisation du capital.
En effet, de quels niveaux administratifs aurions-nous besoin si, rêvons un peu, le pouvoir de décision n’était pas entre les mains de ces pantins du capital, mais dans celles, fermement serrées, d’un peuple maître de son destin ?
Il faudrait un niveau local, les communes, où les habitants organisés autour de leur maire prendraient les décisions répondant à toutes les questions d’intérêt local s’appliquant sur leur territoire. Par exemple, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, l’organisation de l’activité économique, et bien d’autres choses. Et rien n’empêcherait des communes voisines de se mettre d’accord sur des questions d’intérêt commun, comme les transports publics locaux. Nous aurions alors affaire à des communes de compétence générale.
Il faudrait aussi un niveau national, l’État, où la population organisée autour d’un gouvernement prendrait les décisions répondant à toutes les questions d’intérêt national. Par exemple sur des questions comme l’énergie (comment la produire ? Comment la distribuer ? Etc.), les transports, la production alimentaire, l’industrie lourde, la poste et les téléphones, fixe et mobile, la gestion d’internet, la gestion des arsenaux, l’armée et la gendarmerie, les relations avec les autres États, etc.
Sans doute faudra-t-il un échelon intermédiaire pour raccourcir la distance entre l’État et les communes. Un représentant de l’État agissant, par exemple, avec quelques milliers de communes, et qui aurait pour fonction de vérifier que les orientations de l’État sont bien mises en œuvre tout en faisant remonter les difficultés locales afin de rectifier, le cas échéant, les mesures prises part l’échelon supérieur.
Ces trois niveaux administratifs semblent bien suffisants. Remarquons que, grosso modo, c’était l’organisation administrative depuis la Révolution Française : des communes de compétence générale, des préfets dans les départements et un État central.
Mais depuis la Libération, avec une nette accélération dans la décennie 70/80, sont venues s’ajouter des strates supplémentaires qui n’ont rien d’innocentes.
La première cible fut la commune. C’était déjà la terreur de l’Ancien Régime, et c’est devenu celle du capital : comment tolérer une population localement organisée autour de ses propres intérêts ? La suppression des communes s’avérant difficile du fait de l’attachement que lui porte la population et étant donné que les tentatives de regroupements n’ont pas non plus été acceptées, il a fallu supprimer leurs moyens d’actions en les privant de leurs compétences pour les faire exercer par des niveaux administratifs supra communaux : communautés de communes, syndicats de communes, communautés urbaines, etc. Le motif invoqué : nombre de communes sont trop petites pour exercer certaines responsabilités. Mais le plus bizarre est que ce sont les plus grosses communes qui ont été le plus durement frappées : non seulement on les a obligées à se constituer en communautés urbaines, mais on a inventé aussi un échelon de « quartier » !
Quelle différence y a-t-il entre une commune et une communauté urbaine ? Elle est essentielle : l’administration de la commune est compréhensible… et donc critiquable ; le maire est bien connu des habitants et ses réalisations sont bien visibles. Par contre, l’administration d’une communauté urbaine est tout à fait opaque ; son président est mal connu et donc difficilement accessible, et ses réalisations sont vues comme des actes de sociétés privées.
À Lille, le nouveau président de la communauté urbaine est par exemple un parfait inconnu. Maire d’une commune de 500 habitants, il a été élu suite à des manœuvres de couloir incompréhensibles. Et leurs auteurs se désolent maintenant de ce que l’abstention progresse…
Mais la commune n’est pas la seule cible. Les départements ont eux aussi leurs détracteurs… Ce sont les conseils généraux, venant en doublure des préfectures et avec des compétences vampirisées aux communes et à l’État (aides sociales et routes).
Mais la grosse entité à abattre reste l’État lui-même. L’Union Européenne a été justement inventée pour jouer contre l’État le même rôle que les communautés urbaines contre les communes : éloigner des yeux et des oreilles du peuple les décisions les plus indignes pour en rendre la critique inaccessible. Mais pour l’État, une autre strate fut encore inventée : les soi-disant régions.
Dotées d’une prétendue compétence économique, elles ont deux fonctions : d’abord dépouiller l’État de toute initiative économique, et ensuite d’organiser la concurrence entre les ouvriers de France. En effet, il paraît que les régions, toutes plus dynamiques les unes que les autres, créent plein d’emplois. Mais alors comment expliquer que le chômage progresse ? Facile : les emplois créés ici sont détruits là-bas ! Ce sont les fameux « pôles de compétitivité ». Ce n’est pas ça « organiser la concurrence » ?
Mais revenons à l’État. Il est attaqué sur trois fronts. Le premier, c’est l’Union Européenne qui lui a déjà piqué sa compétence législative (les trois-quarts des lois votées par le parlement ne sont que la mise en forme de lois européennes – et pour le quatrième quart, on va en reparler !). Mais le parlement a aussi perdu sa compétence budgétaire, puisque le budget de l’État doit être validé par la commission européenne. De même, l’essentiel de la réglementation est européenne : ses fonctionnaires publient chaque année des dizaines de milliers de pages de textes réglementaires sur tout et n’importe quoi. Au point que même les juristes professionnels s’y perdent ! Mais la presse nous explique que ce qui est bien trop compliqué, c’est le code du travail… qu’il faudrait simplifier en urgence !
Le deuxième front auquel fait face l’État… c’est l’État lui-même. Il prend à cœur de s’autodétruire ! C’est justement le dernier quart des lois votées : démantèlement à tous les étages ! Cela a commencé par les soi-disant privatisations, qui, outre d’offrir au capital ses propres entreprises, privent l’État de toutes facultés d’intervention dans les domaines stratégiques que sont l’énergie, les transports, les télécommunications, l’armement, la poste, etc.
Enfin les régions comme on l’a vu plus haut, mènent l’attaque sur le troisième front en dépossédant l’État des prérogatives qu’il avait en matière d’aménagement du territoire et autres activités économiques (implantations d’usines, etc.).
La situation est donc que, outre les communes, les préfectures et l’État (niveau administratif suffisant), le capital, par le biais de nos élus (mais sans l’avis des citoyens !), a créé l’Union européenne, les régions, les conseils généraux, les communautés de commune et autres communauté urbaines et même les quartiers pour les grandes villes. Soit huit niveaux administratifs !
Et ceux-là mêmes qui ont inventé tout ça nous expliquent maintenant, la main sur le cœur, « que c’est beaucoup trop, qu’il faut simplifier ». Et donc digérer ce foutu millefeuille ! Et devinez ce qui, pour ce gens-là, est de trop ? Les communes, le département et l’État, c’est-à- dire une organisation administrative qui pourrait être utile à l’organisation du peuple. Au lieu de ça, on nous vante les communautés urbaines, les régions et l’Europe. Bref, tout ce qui est utile à l’organisation du capital.
D.R.
http://www.resistance-politique.fr/article-a-propos-du-millefeuille-territorial-123516934.html
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